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Australie : des opportunités d’implantations à découvrir

On a eu l'occasion en octobre de parler de la Nouvelle-Calédonie, au moment du deuxième référendum sur sa possible indépendance. Il fut un temps où l’Australie lorgnait vers ce territoire français au relatif voisinage de ses côtes. Il semblerait que cette sourde hostilité, liée aussi il fut un temps aux essais nucléaires français dans le Pacifique, soit révolue. Les échanges franco-australiens et nos IDE aux antipodes prospèrent-ils ces dernières années ? Certes oui, mais sans excès, pourrait-on répondre très succinctement.

L’Australie est un pays–continent très éloigné de l’Europe. Elle est tout naturellement essentiellement tournée vers l’Asie-Pacifique, si l’on veut bien y inclure les Etats-Unis, qui disposent d’une vaste façade donnant sur cette immense surface marine. Cet éloignement est en partie compensé par sa position élevée dans le concert des grandes nations économiques. Donc, même si notre pourcentage est petit, il n’est pas négligeable en valeur absolue.

Le stock d’IDE dans le pays des kangourous s’élève ainsi à 13 590 millions d’euros en 2019 (+17 % par rapport à 2014), malgré une baisse notable des flux de 2 188 millions d’euros*. Nous arrivons cependant loin des principaux investisseurs là-bas, lesquels sont, dans l’ordre, les Etats-Unis (151 247 millions de dollars US), le Japon (74 743), le Royaume-Uni (69 696), les Pays-Bas (34 769) et la Chine (28 305)**.

Si les augmentations de flux d’IDE avaient notablement ralenti en 2019, et il en sera encore de même en 2020, ils ont beaucoup progressé dans la période post-crise financière de 2008–2009. En 2019, l'Australie figurait ainsi à la septième place des économies mondiales, en termes d’apport d’IDE. Les stocks y atteignaient 714 milliards d’US $. Les principaux investisseurs s’avérent donc les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique, le Japon, Hong Kong, Singapour, Luxembourg, la Chine et la France. C’est que l’Australie est classée 14e sur 190 dans le rapport de 2020 de Doing Business. L’étroitesse de son marché intérieur, son éloignement géographique par rapport à la plupart des pays du monde développé, sont compensés par le libéralisme économique, la stabilité, ainsi qu’une croissance économique continue depuis 25 ans, y compris pendant la crise financière de la fin de la précédente décennie. Son positionnement stratégique au sein d'une région Asie–Pacifique à fort potentiel, de même qu’avec les Etats-Unis, sont d’autres indéniables atouts.

La réglementation vis-à-vis des IDE est, en outre, attrayante, et vient encore d’être simplifiée. Le pays des kangourous est très ouvert au commerce international, comme en témoignent ses multiples accords commerciaux – celui en négociation avec l’UE étant en revanche toujours au point mort. Attention cependant ! Dans une démarche très pragmatique, le gouvernement de Canberra ne se gêne pas pour rejeter des propositions qui lui paraissent contraires à l’intérêt national.

Un contexte économique contrasté

Si la croissance économique a été continue pendant 26 ans, sa tonicité s’étiole cependant quelque peu. Avant même l'accident de 2020, le PIB n'avait progressé que de 1,8 % en 2019. Pour la présente année, une baisse sensible est anticipée par le FMI (-6,7 %), avant une possible remontée de pratiquement autant en 2021 (6,1 %).

Le taux d’inflation est faible, entre 1 et 2 %, et le taux de chômage à plein temps bas (5,2 % l’an dernier). Il devrait cependant remonter à 7,6 % en 2020. La dette publique n’atteignait que 41,8 % en 2019, cela fait rêver, tandis que le déficit est quasi nul. L'investissement – une fois passé le cap difficile de cette année – est sur une pente ascendante, selon les experts, en raison principalement d'une fiscalité favorable, de transferts sociaux, d'une politique monétaire « bienveillante », comme partout ailleurs, et des dépenses d’infrastructures. Parmi les éléments négatifs pour le pays des antipodes, la forte concurrence de la Chine, dont elle est de plus en plus dépendante du reste. Autre point noir, son potentiel économique interne est également érodé par le vieillissement de la population et les effets du changement climatique.

Une économie très ouverte

Pays de 25,2 millions d’habitants, immense île au bout du monde, l’Australie est logiquement extrêmement ouverte au commerce mondial. Il représente, selon les données de la Banque mondiale de 2017, 43,1 % de son PIB. Qu’exportent donc les Australiens ? Principalement du charbon et des combustibles solides (19,7 %), des minerais et concentrés de fer (18,7 %) de l’or et (5,6 %) - cette année cela rapporte, des huiles de pétrole (2,3 %), puis des minerais et des concentrés de cuivre (1,8 %).

Du côté des importations, c’est évidemment différent. On y trouve tout d’abord des huiles de pétrole (12, 7 %), des véhicules à moteur (7,3 %), des appareils de transmission pour la téléphonie (3,7 %), ou encore des machines et éléments de traitement de l’information (3,5 %).

Sa balance commerciale, structurellement déficitaire jusque vers la fin de la précédente décennie, est désormais beaucoup plus équilibrée, souvent excédentaire. Ainsi, en 2018, l’Australie a-t-elle exporté pour 325 milliards de dollars. L’excédent commercial ressort donc à 21,1 milliards de dollars et le solde global, en incluant les services, s’est établi à 17,3 milliards de dollars US toujours, selon la Banque mondiale. Les principaux partenaires sont la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, les Etats-Unis, l’Allemagne et la Thaïlande. Notons que l’Australie cherche à diversifier géographiquement ses partenaires, puisqu’elle négocie actuellement des accords avec le conseil de coopération du Golfe, l’Inde, le Pérou, l’Indonésie et Hong Kong.

Un bel excédent pour la France

Nous l’écrivions supra, l’Australie – certes lointaine, 37e client et 50e fournisseur, nous apporte des excédents commerciaux. Mais oui ! En 2019, nos exportations se sont ainsi élevées à 2 655 millions d’euros (+1 %) et nos importations à seulement 1 128,3 millions. D’où il ressort un excédent de 1 532,7 millions ! Nous vendons en premier lieu des machines industrielles agricoles et diverses (20 % du total), des produits des industries agroalimentaires (15,4 %), des matériels de transport (12,8 %), ou encore des produits chimiques, des parfums et des cosmétiques (12 %).

A l’inverse, notre premier poste d’achat sont les hydrocarbures naturels et autres produits des industries extractives (56 %), devant les produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’agriculture (10,7 %), puis des produits manufacturés divers (6,8 %) et des produits pharmaceutiques (5,8 %). Nous étions le 13e fournisseur de l’Australie en 2019, ils sont nos 23e clients.

 

* Source Banque de France 2019.

** Source FMI 2018.

 

De belles opportunités encore méconnues

 

John Rees est le responsable du développement en énergie du secteur défense de l’Etat d’Australie du Sud. Parfait francophone, il est également chargé de développer les implantations françaises dans cet Etat du pays-continent.

 

 « Le marché australien est beaucoup plus important pour la France qu’on ne le pense », remarque John Rees. Il cite à l’appui l’exemple d’un programme de construction de 12 sous-marins Baracuda sur place par Navagroup (anciennement DCNS). Ce programme durera cinquante ans à partir de 2023, et amène déjà bon nombre de PME sous-traitantes à s’installer sur place pour le jour J. « 38 des 40 sociétés du CAC 40 sont en Australie, poursuit John Rees, le marché est mal connu sauf par les businessmen avisés, dans des domaines aussi variés que le secteur financier, les jeux électroniques et bien sûr la défense aéronautique et navale ». Les énergies renouvelables sont également de la partie « avec plusieurs gros projets, dont celui du français Neoem, qui veut créer une ferme éolienne de 150 MgW de production et de stockage d’électricité. Alors que l’Australie exporte toujours principalement des matières premières, des opportunités existent pour les sociétés de l’agroalimentaire ou encore du secteur de la transformation de minerais, susceptibles d’apporter de la plus-value », analyse John Rees. « D’autre part, les accords de libre-échange noués par l’Australie avec pratiquement tous les pays de la zone Asie-Pacifique, dès lors des entreprises françaises implantées sur place peuvent bénéficier de ces dispositifs », conclut-il.

John Rees décrit les Australiens comme directs, sportifs et résilients. C’est particulièrement le cas en Australie du Sud, « Etat de plus en plus sec du continent le plus sec au monde ».  L’Australie du Sud, un des six Etats du pays, a donc déployé « une énorme compétence dans l’eau et l’irrigation »… et aussi dans l’élaboration de vins… parfois haut de gamme. L’activité vinicole est importante en Australie.

 


Des possibilités de rayonnement dans la zone Asie-Pacifique

 

Fernando Alves, chef du pôle Industrie Business France en Australie, et son collègue Pierre Le Queven, chargé de développement pour le département industrie*, sont des observateurs attentifs du monde économique australien et des opportunités qu’il recèle. Ils ont bien voulu répondre à quelques questions de notre rédaction.

Conquérir : Quelles entreprises, principalement les PME, ont-elles intérêt à s'implanter à Australie ?

Fernando Alves : Le paysage des opportunités d’affaires en Australie peut offrir de nombreux débouchés commerciaux pour les PME françaises détenant une expertise dans l’une des industries suivantes : la défense, les énergies (énergies renouvelables, hydrogène), le secteur du gaz, le secteur spatial, la construction et la maintenance d’infrastructures, le secteur minier, et tous les aspects tech et numériques (optimisation des procédés via des technologies innovantes).

Les PME qui disposent d’une expérience à l’export réussie dans un pays anglo-saxon (Canada, Etats-Unis, Royaume-Uni) seront également avantagées, car la pratique des affaires y est similaire, notamment en raison du pragmatisme pour conduire les affaires et les négociations. Les entreprises dont la stratégie export est basée sur la mise en place de partenariats avec des acteurs locaux, de partage de compétences ou de projets « d’Australianisation » auront les meilleurs retours sur investissement.

Conquérir : Comment les PME doivent-elles aborder le marché ?

Fernando Alves : L'Australie a perdu une partie importante de ses capacités de fabrication en 2017 lorsque l'industrie automobile a quitté le pays. Les trois plus grands constructeurs automobiles, GM, Ford et Toyota, qui employaient directement plus de 50 000 personnes (2016), ont délocalisé leurs activités commerciales à l'étranger. L'industrie australienne compte sur les capacités étrangères pour fournir des équipements de haute technologie sur ses marchés industriels.

L'Australie est l'une des nations les plus riches du monde, mais c'est l'une des économies les moins complexes, selon la récente étude de la Harvard Kennedy School of Government sur la complexité économique. Cela a de graves implications pour la sécurité et l'économie du pays (The Australian - We Lack the Will to have a Manufacturing Industry, 19 février 2020).

Le gouvernement fédéral australien souhaite donc, à travers d’immenses investissements dans des grands projets de défense, réindustrialiser une partie du pays, maximiser l’apport de nouvelles technologies et de savoir-faire étranger ainsi que créer de nouveaux emplois qualifiés. Les PME étrangères innovantes qui manifestent une réelle stratégie d’implantation ou de partenariat sont donc les bienvenues.

Il est important de noter pour les PME françaises que, dans l’industrie de défense australienne, la part locale est une exigence importante si l’on veut se positionner sur les grands contrats de construction navale et de défense (la formation, la maintenance, le SAV, l'assemblage ou la fabrication de pièces sur place). Le gouvernement australien incite les acteurs de la supply chain globale du secteur à créer des partenariats avec des entreprises australiennes. Les investissements et l’implantation physique permettront de maintenir à flot l’industrie australienne et de créer des emplois locaux dans le pays. Il est également conseillé d’établir une relation avec les grands donneurs d’ordre en local et de connaître leurs fournisseurs actuels de même que le tissu industriel australien.

Je signalerais également les défis auxquels font face les PME françaises en Australie : la distance (15 000 km, 24h d’avion), la superficie de 7,7 millions km2, soit 14 fois la France, le décalage horaire (entre 6h et 10h), la langue et un tropisme anglo-saxon. Enfin, selon le rapport Doing Business 2019 rédigé par la Banque mondiale, l’Australie est classée 14e sur 190 quant à la facilité à faire des affaires. La stabilité de l’économie australienne, la rapidité et la simplicité de développer une entreprise de manière sécurisée en font cependant un pays avantageux.

Ponctuellement, les perspectives de sortie de la crise Covid en Australie offrent de nouvelles opportunités aux entreprises françaises. Notamment avec l’émergence de nouvelles filières industrielles dans les secteurs critiques tels que :

  1. Les métaux rares via la création de chaînes de valeurs sur place pour renforcer la souveraineté du pays vis-à-vis du monopole chinois.
  2. Le développement d’une filièrehydrogène qui viendra conforter son statut de premier exportateur énergétique de la région.
  3. La continuité des investissements dans le secteur spatial (avec notamment la signature de l’accord Artemis et des investissements d’un montant de 150 M AUD pour la mission Moon to Mars)ainsi que les grands budgets d’armement.

Conquérir : L'Australie peut-elle être une base de conquête de la zone Asie-Pacifique ?

Fernando Alves : Oui tout à fait. De nombreuses entreprises s’installent en Australie pour rayonner sur la zone Asie-Pacifique. L’Australie est une puissance politique et économique ainsi qu’un acteur majeur de la région Asie-Pacifique. Le pays est complètement intégré dans l’espace économique de la zone. Canberra a notamment signé un accord de libre-échange entre l’Asean, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, entré en vigueur en 2010 (AANZFTA).

Douze des quinze plus grands partenaires commerciaux de l’Australie se trouvent en Asie et en Océanie, générant une valeur commerciale d'environ 577 Mds AUD en 2018-19 – ses trois premiers clients étant la Chine, le Japon et la Corée du Sud, notamment portés par les besoins en matières premières de ces derniers (ressources agricoles).

En 2019, 79 % des exportations australiennes étaient destinées à la zone Apec (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique), 11,8 % à l’Asean et 7,1 % à la zone Euro, tandis que 66,6 % des importations australiennes provenaient de l’Apec, 19,2 % de la zone Euro et 16,2 % de l’Asean.

Conquérir : Pouvez-vous fournir quelques exemples de PME françaises qui ont fait le choix de l'Australie et qui y connaissent le succès ?

Fernando Alves : Certaines PME françaises ont choisi l’Australie comme premier pays pour implanter leur filiale, notamment Squad (entreprise de cyber sécurité) ou Probent (ingénierie et fabrication de composants). Elles ont notamment été portées par le contrat des sous-marins, remporté par le constructeur français Naval Group, s’élevant à plus de 80 Mds AUD.

 Un certain nombre de PME ont également signé des contrats de distribution/partenariat avec des acteurs locaux (Souriau, Socitec, Pinette), ont créé une entité locale (Fiva, Predict, Adexflow) ou ont choisi la formule du VIE pour prospecter le marché (Qos Energy, Probent, LGM, Neoen).

*La directrice de Business France Australie est Armelle Rebuffet.

Propos recueillis par la rédaction de Conquérir