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Commerce extérieur : un plongeon inégal selon les secteurs  

 

Il nous a paru intéressant en cette rentrée de faire un point de la situation de notre commerce extérieur à mi-année. Naturellement, il est impacté par la crise du Covid-19. Mais, les chiffres transmis par les douanes traduisent des évolutions qui ne sont pas forcément linéaires, c’est-à-dire de baisse en termes de rubriques. De même, l’évolution de nos échanges avec les pays tiers est souvent contrastée. 

Quoi qu’il en soit, la France a connu une importante dégradation de son déficit commercial au premier semestre 2020 (34 milliards d’euros au lieu de 29 pendant la même période de 2019). Cette accentuation du déficit est le fait d’une baisse plus importante de nos exportations (-21,5 %) que de celle de nos importations -17,6 %). Nos ventes résistent mieux vers l’Union européenne (-17 %), grâce à un rebond dès le mois de mai, que vers les pays tiers (-28,6 %). La plupart des biens sont affectés par le repli des échanges. Les produits pharmaceutiques bénéficient cependant d’une hausse de 10,1 % des ventes, particulièrement remarquée au premier trimestre. Les produits agricoles (+5,1 %) se sont montrés également toniques, alors que les exportations agroalimentaires ne reculent que modérément (-4,9 %).

En revanche, les secteurs automobile et aéronautique s’effondrent littéralement, tant en importations qu’en exportations (respectivement -47,2 % et -38,2 % d'un semestre à l'autre).

 Il convient de resituer ces chiffres dans le cadre d'une prévision de baisse du commerce mondial de 10 % en 2020, selon l'OMC. Le nouveau ministre délégué au Commerce extérieur et à l’attractivité, Franck Riester, ne nie pas la difficulté du moment. Il rappelait cependant le 7 août dernier « les bonnes performances enregistrées en matière de commerce extérieur et d’attractivité depuis 2017 ». Il valorise ainsi l'importante progression de nos exportations de 2017 à 2019 (+17,6 milliards d'euros), la réduction de notre déficit pendant cette période (de 5,1 milliards d’euros), ainsi que la place de numéro un en Europe en matière de projets d’IDE.

Les réformes économiques et fiscales entreprises par les gouvernements de la présidence Macron sont, selon Franck Riester, à l'origine de cette performance légèrement améliorée, et peut-être de la croissance du nombre d’entreprises exportatrices, atteignant « son plus haut niveau depuis 19 ans », fin mars 2020 à 130 000, selon les données du ministère.

De nouvelles mesures ont été décidées le 25 août en Conseil des ministres, qui viennent s’ajouter au plan de relance spécifique déjà mis en place pour des secteurs majeurs comme l’aéronautique (15 milliards d’euros), l’automobile (8,5 milliards) et le tourisme (18 milliards).

Une belle consolation, selon la Banque de France, nos échanges de services demeurent légèrement excédentaires, malgré un repli sensible (+2,4 milliards d'euros contre 11,7 au premier semestre 2019).

Le déficit manufacturier double

Au deuxième trimestre proprement dit, nos exportations ont reculé de 28,9 %, après 7,3 % au premier trimestre. Quant à nos importations, elles ont suivi le même chemin, toutefois moins pentu (-20,7 %, après -6,4 %), le tout en données FAB. Le déficit de la période du 1er avril au 30 juin s’élève donc à -20,4 millions d’euros. Pour une fois, ce n’est pas le déficit énergétique (-3,9 milliards d’euros), qui a pesé le plus. En effet, la baisse des prix du pétrole conjuguée à de moindres besoins énergétiques en relation avec la crise, a réduit nos achats. En revanche, notre déficit manufacturier a doublé, à 18,8 milliards d’euros. Il est à noter – quelle tristesse –  le montant élevé des importations de masques de protection, qui creuse le déficit de 3,7 milliards d’euros !

Quant à nos ventes à l’extérieur, près de la moitié de leur baisse au deuxième trimestre provient des matériels de transport (-60 %), et encore davantage des équipements aéronautiques et spatiaux (-64,2 % au second trimestre après -26,2 % au premier).  Tout le reste recule, y compris les produits agricoles (-4,2 % après +4,8 % au premier trimestre), ou même les produits pharmaceutiques (-12 %, après +13,4 %). Mais ces secteurs résistent bien tout de même, à l'instar également du bois-papier-carton et des produits chimiques hors parfums. Car le luxe est également atteint.

Achat de masques de protection : l’explosion

L’évolution des importations est également contrastée. Bien entendu, là encore, l’aéronautique (-51 % par rapport au premier trimestre) et l’automobile (-44,6 %), tirent nos achats à la baisse. Le département des statistiques et des études du commerce extérieur relève un élément significatif, qui est un recul des importations de biens d’investissement beaucoup plus important que celui des biens de consommation. Par exemple, les produits des industries agroalimentaires (-6,7 %), reculent peu. On remarque même une hausse de certains postes, comme celui des produits pharmaceutiques (+1,1 %), ou encore des téléphones et ordinateurs.

Beaucoup plus importante est la hausse des achats de textile–habillement (+12,8 %) tirés par celle des masques (3,6 milliards d'euros pour le seul deuxième trimestre). Une veine pour la Chine ! Quant aux importations énergétiques, c'est par contre l'effondrement (-40,4 %), ce qui correspond malheureusement à l’anémie de notre économie.

Dans ce contexte, nos soldes par compartiments tendent pour la plupart à se dégrader. L'aéronautique devient ainsi à peine excédentaire (0,9 milliards d'euros, contre 5,2 au premier trimestre). Et cela n'est pas près de s'enrayer. Le solde agricole demeure également positif (0,8 milliard), de même que les parfums et cosmétiques (1,7 milliard) mais en net recul, la chimie ou les produits pharmaceutiques (0,4 milliard). L’agroalimentaire (0,7 milliards) tire aussi son épingle du jeu. L’énergie, avec un solde négatif de 5,6 milliards d’euros nous pénalise moins (-11 milliards en moyenne habituelle). Le textile–habillement–cuir nous fait plonger de 5,6 milliards d'euros. Quant aux véhicules et équipements, régulièrement déficitaires depuis plusieurs années, car nous produisons de moins en moins en France, il participe au déficit du deuxième trimestre pour 3,1 milliards d’euros.

Une meilleure résistance des exportations vers l’UE

Nos exportations reculent partout mais dans une moindre mesure vers l’UE hors UK (-26,8 %) toujours par rapport au premier trimestre, ce qui fait environ 30 % de moins par rapport à un trimestre « normal ». Vers l’Europe hors UE, on est à -60 % environ, toujours par rapport à la « norme », -40 % pour l’Amérique, -65 % pour l’Asie, et -30 % « seulement » pour l’Afrique.

Les importations d’Asie en forme

Du côté des importations, l'Asie résiste très bien par rapport à la moyenne trimestrielle habituelle (-4 %). La chute est plus notable pour le reste des zones géographiques, dont l’UE (-25 % environ), l’Europe hors UE (-40 %), l'Amérique (-30 % environ). In fine, notre solde s’aggrave très notablement au deuxième trimestre vis-à-vis de l’Asie (+55 % en moyenne trimestrielle à -13,5 milliards). Par rapport à l’UE, on reste dans les eaux habituelles, à -10,5 milliards, ce qui est cependant beaucoup en pourcentage, puisque les valeurs globales ont notablement diminué.

Nos seuls excédents – limités – par zones géographiques, correspondent au Proche/Moyen-Orient, à l’Afrique et à l’Europe hors UE.

Une analyse plus fine pays par pays permet d’observer – toujours au troisième trimestre, une dégradation de notre balance vis-à-vis de l’Espagne (-1 milliard d’euros mais aussi du Royaume-Uni (-1,7 milliard), Singapour (-1 milliard) et surtout bien sûr, la Chine (-3,1 milliards) ou encore la Suisse (-1,1 milliard).  Heureusement, cela va mieux avec les États-Unis, vis-à-vis desquels notre solde commercial s’améliore de 0,8 milliard d’euros. Il faut bien se consoler !

Pour finir et sur douze mois glissants (selon les données de la DGDDI comptabilisant y compris le matériel militaire), nos exportations atteignaient 455,5 milliards d’euros FAB (-10,4 %), alors que nos importations se repliaient de 8,5 % à 518,4 milliards. Ce qui fait ressortir un déficit sur cette même période de 68 milliards d’euros. Voilà qui nous ramène à peu près pour le moment au niveau de 2018, qui n’était pas terrible…  Car on observe que notre déficit, déjà élevé, pâtit de la crise, ce qui n'aurait pas forcément lieu d'être, et alors même que notre déficit énergétique se réduit considérablement. Cela démontre à l'envi, du point de vue des échanges de biens, notre vulnérabilité, liée à la disparition de l’industrie en France. Dès que l’aéronautique « s’en va », la misère apparaît dans toute sa splendeur. Et les belles incantations (« on va produire en France ») ne suffisent pas.