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Royaume-Uni : toujours proche malgré son départ de l’UE

Le Royaume-Uni est un de nos partenaires essentiels, ne serait-ce que parce qu'il nous rapporte notre plus gros excédent commercial, dans un océan de déficits. Tout ce qui s'y passe est donc très important pour la France. La dernière phase de son départ de l'Union européenne mérite dès lors qu’on prenne le temps des possibilités de commerce et d’investissement que la fière Albion nous offre, à l’aune ou en dépit de changements réglementaires ou administratifs.

Le Royaume-Uni a connu en 2020 une chute spectaculaire de son PIB, de l'ordre de 11 % après plusieurs années où sa croissance a tendu à se rapprocher à la baisse de la moyenne – relativement faible – des pays de l'Ouest européen. Ce ralentissement est sans doute dû en partie aux incertitudes concernant le Brexit. En 2019, cette croissance fut d’un peu plus de 1 %. L’inflation a alors également ralenti, à 1,8 %, alors qu’elle était plus élevée auparavant – près de 3 % en 2017 par exemple.

Face à l’épidémie de Covid, le Royaume-Uni a pris des mesures similaires aux nôtres, quoique probablement plus orientées vers les entreprises de ce point de vue. On pense au report d’impôts des indépendants, voire à la suppression de l’IS dans certains secteurs particulièrement éprouvés, à l’image du commerce de détail hors alimentaire, de l’hôtellerie ou encore des loisirs. Des garanties publiques d’un montant élevé ont été mises en place sur les prêts bancaires. Des budgets très importants ont été également instaurés, pour faire face cette fois à l'urgence sociale, avec des dispositifs généreux de chômage partiel, mais aussi d'aide aux indépendants.

Toutes ces dépenses exceptionnelles cumulées ont évidemment fait exploser les déficits, d'autant que la partie recettes a fortement baissé de son côté. Le solde public 2020 était prévu par les experts de Coface à -17,2 % en 2020 contre -2,6 % en 2019.  Quant au ratio dette publique sur PIB, il aura probablement dépassé la parité à 105 % environ, toujours selon Coface. Notons que nous avons fait pire en la matière !

Du côté des échanges commerciaux, ils sont traditionnellement lourdement déficitaires pour nos voisins. 2020 n'aura pas dérogé à la norme. Signalons qu’en 2019 le déficit de la balance des biens ressortait à 5,9 %, sans que le non moins traditionnel excédent de celle des services (4,8 %) parvienne à le compenser.

Fort heureusement pour lui, le Royaume-Uni conserve une place fondamentale dans le système financier mondial et arrive aussi à financer son déficit courant en engrangeant de nombreux investissements étrangers.

Alors, quels sont les points forts du Royaume-Uni ?  Coface relève en premier lieu sa production d’hydrocarbures, qui lui assure les trois quarts de ses besoins énergétiques. L’excellence de ses services financiers, ainsi qu’un régime fiscal compétitif, sont également des atouts significatifs. Et puis, on doit mentionner trois secteurs industriels de pointe : l’aéronautique, l’automobile et la pharmacie. Du côté négatif, Coface relève des dettes publiques et des ménages élevées (120 % du revenu disponible), une faible productivité ainsi, entre autres, que de fortes disparités régionales, particulièrement en matière d'infrastructures de transport et d'énergie. Autrement dit, Londres et le sud-est de l'Angleterre sont mieux lotis que le reste du royaume.

Echanges commerciaux : la France bien placée

Le Royaume-Uni connaissait, comme d’habitude, un très gros déficit commercial en 2019, qui atteignait 165 955 millions d’USD, selon la Banque mondiale, tandis que les excédents de sa balance de service culminaient à 132 000 millions d’euros environ. Les Etats-Unis sont de loin son principal client (15,7 % du total des exportations en 2019), devant l’Allemagne (9,9 %), la France (6,5 %) tout juste devant les Pays-Bas (6,5 %) et la Chine (6,4 %).

Du côté des importations – attention au pourcentage car ils sont en fonction de montants plus élevés d’un tiers environ, venait en premier lieu l’Allemagne (12,4 %) devant les USA (9,7 %), talonnés par la Chine (9,5 %). En quatrième position, on trouve les Pays-Bas (7,8 %), devant la France (5,6 %).


Brexit : des opportunités à travers de nouveaux cadres

Thierry Drilhon, président de la Chambre de commerce franco-britannique, est particulièrement bien placé pour nous donner un avis circonstancié sur l’évolution future des échanges trans-Manche, et sur les contraintes imposées par le Brexit à partir du 1er janvier. Même si la Chambre qu’il préside regroupe tant des entreprises françaises que britanniques, il s’exprime plus particulièrement dans nos colonnes du point de vue de l’intérêt des structures tricolores.

Conquérir : Peut-être tout d’abord quelques mots sur la Chambre de commerce franco-britannique et sur vous-même ?

Thierry Drilhon : Volontiers. Notre organisation compte environ 2 000 entreprises dans son écosystème. 60 % sont françaises, 40 % britanniques. Si l’on examine la stratification par taille cette fois, 30 % sont des grandes entreprises, 40 % des ETI et 30 % des PME-PMI.

Nous tenons particulièrement à accompagner les PME-PMI, car ce sont elles, dans cette période d’incertitude, qui ont le niveau le plus élevé d’exposition au risque.

J’ai pris la présidence de la Chambre en 2018. Je souhaitais faire bénéficier les adhérents de mon expérience du monde anglo-saxon, acquise à travers mes expériences de directeur général de Microsoft France et vice-Président monde de Cisco entre autres.

Conquérir : Quid de l’avenir après ces très longues négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE ?

Thierry Drilhon : Je souhaite d’abord dire que les britanniques se sont exprimés démocratiquement pour une sortie de l’UE, et qu’il convient d’en prendre acte. C’est vrai que les discussions ont été longues, mais il n’y a rien de pire, quel que soit leur résultat, que l’attente et l’incertitude qui s’ensuit. Désormais, nous y voyons un peu plus clair. Cependant, au-delà du cadre général de nos futurs échanges qui vient d’être tracé, il va falloir maintenant rentrer dans le détail, en particulier celui de 682 traités bilatéraux ou multilatéraux qui devront être revus. Les accords qui en résulteront auront des conséquences sur les échanges sectoriels concernés.

Conquérir : Des oiseaux de mauvais augure prédisent de longue date l’apocalypse…

Thierry Drilhon : …c’est exact. La période post-référendum a occasionné la diffusion de nombreuses fausses nouvelles comme le chaos sur le Channel, l’arrêt de la circulation des personnes et des marchandises…  Or, pendant que les discussions UE–RU s’éternisaient, tant les autorités administratives que les entreprises des deux côtés de la Manche se sont activées de manière, précisément, à préparer le terrain pour éviter ces écueils.

Même les PME–PMI se sont attelées à l’organisation de leur chaîne logistique, d’approvisionnement… post-Brexit. Quant à la partie douanière et taxes, les autorités françaises concernées ont mis en œuvre les bases d’une frontière intelligente. De son côté, la société qui gère le tunnel sous la Manche a mis 47 millions d’euros sur la table pour rendre à l’avenir le trafic de plus en plus fluide, en dépit des contraintes administratives supplémentaires qui s’imposeront. Les efforts réalisés par les gouvernements des deux côtés du Channel font, par exemple, que le processus douanier est prêt depuis deux ans.

 Conquérir : Le départ du Royaume-Uni va-t-il affaiblir notre relation économique et commerciale avec lui ?

Thierry Drilhon : Je pense qu’il faut distinguer le court-moyen terme d’une part, le long terme d’autre part. A court terme, il faut s’attendre sans doute à une réduction de notre relation, à travers des réajustements d’exportations des acteurs économiques. Mais la forte relation entre les deux pays perdurera et les fondamentaux sont là. Les transactions économiques entre la France et le Royaume-Uni représentent actuellement 107 millions d'euros par an. Notre coopération est particulièrement importante dans le domaine de l'aviation et de la défense. Tout cela ne s'effacera pas d'un trait de plume !

C'est vrai que pour les prochains mois, le tableau s’avère moins réjouissant, puisque le niveau des investissements au Royaume-Uni a considérablement baissé, tandis que, d’après les résultats de notre baromètre 2019 et les premières tendances 2020 enregistrées, les transactions franco–britanniques sont impactées de 25 à 30 %. En cas de sortie compliquée, l’économie britannique pourrai subir, toutes choses égales par ailleurs, un recul de 7 à 9 % sur cinq ans.

Au-delà de ces constatations macro-économiques, les PME–PMI prendront parfois la décision de poursuivre, voire d’accentuer leur pénétration sur le marché britannique, en fonction de l’analyse qu’elles feront de leur propre chaîne de valeur et des nouvelles conséquences fiscales ou douanières. J’ai par exemple en tête une TPE de salariés du monde du marketing direct et de la PLV, qui sous-traitait sa production de cartons en Grande-Bretagne, et qui fait désormais appel à un fournisseur allemand. Chaque cas est spécifique…

Conquérir : Pourra-t-on subir des conséquences positives du Brexit sur la France et les entreprises françaises ?

Thierry Drilhon : Le Brexit peut être une véritable opportunité dans trois domaines en particulier selon moi.

  • C'est l'occasion tout d'abord de repenser la relation économique entre nos deux pays, voire de la renforcer, là où la coopération est vivace, comme en matière de défense et d'aéronautique, tandis que la compétition restera au contraire de mise dans la pharmacie et la santé, des secteurs où le Royaume-Uni est bien implanté :
  • Le Brexit va nous permettre aussi de valoriser la France comme réceptacle d'investissements. A cet égard, la confiance étrangère n'a jamais été aussi élevée et nous arrivons même en tête de toute l'Europe actuellement de ce point de vue.
  • Revoir la gouvernance européenne, dans le cadre à 27, avec un nouveau projet. Le Brexit ne sera pas la fin de l’Union européenne. On a bien vu que le bloc des 27 ne s'est pas disloqué pendant les négociations. Ces opportunités existent aussi pour les PME–PMI, en fonction de leur analyse, car le Royaume-Uni possède une économie résiliente et des atouts importants pour son développement futur. Les services vont continuer à prospérer, en particulier dans le domaine financier.
  • La chute de la livre – de 20 % depuis 2016 – permet d’acquérir des entreprises au Royaume-Uni à moindre coût. Ce volume d’acquisitions a été multiplié par deux depuis le référendum, tandis que dans le sens inverse le nombre d’acquisitions britanniques d’entreprises étrangères a été divisé par trois.

Conquérir : Le choc va-t-il être plus rude pour le Royaume-Uni ou pour l’Union européenne ?

Thierry Drilhon : Le Royaume-Uni possède une économie très dynamique, en particulier dans le secteur des services financiers d’abord, mais aussi dans le domaine des TIC, où il est un réel pôle d’excellence.

En revanche, son industrie automobile risque de beaucoup souffrir, dans la mesure où la valeur ajoutée de sa production se place surtout à l’extérieur, puisqu’il n’a plus de constructeur national. Seuls les firmes asiatiques y investissent encore. De plus, le Royaume-Uni réalise 47 % de ses échanges avec l’UE. C’est 7 % dans l’autre sens.

A court terme, voire à moyen terme, la situation du Royaume-Uni sera sans doute assez difficile, mais je suis confiant sur son avenir économique à long terme. En attendant, je parie sur le fait que nos entrepreneurs sauront transformer le challenge d’aujourd’hui en opportunité pour demain.

Propos recueillis par Alain Gazo


Région Ile-de-France : les bénéfices du Brexit

Thierry Drilhon, président de la Chambre de commerce franco-britannique, évoque dans son interview les opportunités qu’offre le Brexit à la France.

Comme en écho des chiffres publiés récemment par Choose Paris Régions et Paris Europlace viennent confirmer ce sentiment. En effet, depuis le 23 juin 2016, 369 projets d’implantation, d’investissement, ou tout simplement de relocalisation d’équipes, ont été identifiés en relation avec le Brexit. On pouvait cependant s’en douter, près de la moitié (47 %) relèvent du secteur financier. Nettement plus loin, viennent les projets dans le domaine des activités de services et de conseils (14 %), puis ceux relevant du numérique (13%).

Fait plus significatif encore, qui témoigne du retour en grâce de la France comme lieu d’investissement, FDI Market, spécialiste du secteur, estime que la région Ile-de-France a devancé, entre 2018 et 2019, toutes les grandes régions mondiales en termes d’augmentation des IDE dans les finances, alors que le Grand Londres baissait dans le même temps de 2 %. N’enterrons pas trop vite quand même nos voisins britanniques. Ils ont de la ressource et l’ont amplement démontré dans le passé.

Quoi qu’il en soit, 369 beaux projets c’est déjà bien, d’autant que 184 prennent corps, avec près de 5 000 emplois à la clé, dont 3 500 dans des projets financiers qui, on le voit, représentent près des deux tiers de cet ensemble aujourd’hui.

On l’a indiqué supra, ces décisions ou réflexions d’implantation ou de relocalisation d’emplois sont en lien avec le Brexit. Mais quelle est la nationalité des intervenants concernés ? 46 % sont des entreprises britanniques, 18% américaines ; le Japon, la Chine et la France représentant 11 % du total.

Une accentuation de l’attention des investisseurs étrangers

Les commentateurs de l’étude envisagent – espèrent – une accentuation de ce phénomène favorable à la France, en particulier à la Région-Capitale, dans les mois ou les années à venir. Ils pointent une accentuation possible des transferts de collaborateurs de grandes banques dans l’Union européenne, mais aussi des développements favorables dans le secteur d’excellence du Royaume-Uni qui est la pharmacie, évoquant le fait que, par exemple, Sanofi a d’ores et déjà retiré la fière Albion de ses chaînes d’approvisionnement pour l’Europe. Selon ces mêmes analystes, le Royaume-Uni perdrait aussi sa place de leader dans les essais cliniques. Les échanges dans le domaine pharmaceutique, comme dans d’autres, seront tributaires des droits de douane qui seront fixés in fine.

Les atouts de la région Ile-de-France dans ce contexte sont importants. Les segments de la biothérapie, de l’oncologie et de la thérapie génique sont en plein essor. Nos instituts de recherche sont à cet égard de niveau mondial (Institut Curie, Gustave-Roussy, Institut Pasteur, Inserm…). Des pôles de recherche de haut niveau se sont développés à l’instar de Genopole, Medicen Paris, Region ou Cancer Campus. De quoi attirer l’attention des investisseurs internationaux !


Mobilité UE - Royaume-Uni : des changements notables en 2021

Quel que soit le contenu précis des 2000 pages de l'accord post-Brexit à valider début janvier, si tout va bien, des changements notables interviendront dans de nombreux domaines, en particulier en matière de mobilité personnelle, et surtout professionnelle. Les dispositions régissant la mobilité résultent de l’accord de sortie ratifié fin 2019. Les DRH devront, en particulier, être très attentifs, que ce soit en France pour intégrer des collaborateurs britanniques, et réciproquement au Royaume-Uni pour recruter des Français, et plus généralement des ressortissants de l’UE, de l’EEE ainsi que de la Suisse. On peut penser que des accords bilatéraux assoupliront certaines règles à l’avenir.

Commençant par le plus « simple », ce qui concerne la mobilité temporaire. Tout d'abord, à partir du 1er octobre 2021, un passeport en cours de validité, accompagné selon les cas d'un titre de séjour, sera nécessaire pour rentrer en France. Un visa ne sera pas nécessaire pour les séjours de moins de 90 jours. Cette dispense de visa ne concerne pas les séjours pour études ou pour le travail. Une période de transition, dont les modalités seront un peu plus souples, a été mise en place jusqu'au 30 septembre 2021. Quant aux séjours de longue durée, et sans rentrer dans trop de détails, nous dirions que la stabilité des ressortissants britanniques et français est respectée dans leur pays « d’adoption », du moment qu’ils justifient d’un séjour continu de plus de cinq ans.

Pour les nouveaux arrivants, de nouvelles règles d’immigration seront mises en place dès le début 2021, en particulier au Royaume-Uni, pour ce qui est des détachements, de la mobilité intra-groupe…

Voyons cela de manière plus détaillée. En premier lieu un visa de travail devient nécessaire. Pour faire simple, le Royaume-Uni privilégiera les emplois hautement qualifiés à partir d’une grille « à points ». La Skilled Workers Route – c’est ainsi que se nomme le dispositif, démarre seulement à partir du moment où l’intéressé a reçu une offre d’emploi – qualifié – émanant d’un parrain dûment agréé. L’acceptation du dossier est fondée sur le respect de différents critères, dont un seuil de salaire plancher annuel (25 600 livres actuellement), et un très bon niveau d’anglais. Voilà qui entraîne des frais et des délais. Autrement dit, anticipez tout cela dans le rétroplanning d'un détachement. Bien entendu, plus aucune faveur particulière n'est assurée aux ressortissants français, comme à ceux de l’UE du reste. Notons que plus de 140 000 de nos ressortissants installés au Royaume-Uni ont demandé depuis mars 2019 le bénéfice du Settled-Status (plus de cinq ans de résidence) ou du pré-Settled-Status. Les demandes en ce sens pourront être encore adressées jusqu'au 30 juin 2021. Le pré-Settled-Status permettra d'obtenir le Settled-Status au moment du dépassement de la barre des cinq ans de séjour ininterrompu.

Dès lors, les bénéficiaires auront eux aussi le statut de résident permanent autorisant à continuer à travailler, étudier… De la même manière qu’auparavant.

Vincent Gardy