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Commerce extérieur 2021 : un très mauvais millésime  

 

Comme chaque année à la même époque, nous vous proposons une courte étude, accompagnée d’une analyse, de notre commerce extérieur sur l’exercice précédent. Force est de constater que les choses ne s’arrangent pas, puisque les spécialistes de la Direction des douanes et des droits indirects pointent au moins trois défauts à notre cuirasse.

Ces trois défauts principaux sont, en premier lieu, un déficit catastrophique qui ne cesse de s’alourdir, en 2021 à 84,7 milliards d’euros, 20 de plus qu’en 2020. Bien entendu, ce surcroît de déficit est tiré par l’énergie, dont les prix ont augmenté très vite, mais aussi par le poste des produits manufacturés.

Le deuxième défaut, c’est que, si nos exportations ont augmenté de 17 % (après -15,8 % en 2020), elles demeurent 2 % en dessous de celles de 2019, alors que, remarquent les mêmes analystes, « les exportations de nos principaux partenaires européens ont dépassé leur niveau d’avant-crise de 3 à 9 % […] ».

Le troisième défaut, qui découle du précédent, c’est que la perte de parts de marché de notre pays « quasi-ininterrompue depuis 2010 » se poursuit.

L’accroissement du déficit s’explique par une progression un peu plus soutenue des importations (+18,8 % après -13 % en 2020, année où elles avaient mieux résisté que nos ventes à l’extérieur du reste). Là encore, l’effet de l’inflation donne une impression d’augmentation des volumes infondée. Car les hausses de prix, on le sait, ont été considérables en 2021, et continuent à l’être. On pense aux hydrocarbures (+93 % pour le pétrole), mais de nombreux produits manufacturés ne sont pas en reste (+6 % en moyenne). Le solde manufacturier (-65,7 milliards d’euros), figure d’ailleurs désormais comme celui qui altère le plus l’équilibre de nos échanges, assez loin devant celui du solde énergétique (-43,1 milliards d’euros).

A l’inverse, notre solde agricole demeure positif, mais à un niveau fort famélique (+0,8 milliard d’euros), loin de nos standards habituels. En revanche, l’agroalimentaire s’est bien comporté, avec des exportations en hausse de 14,6 %, tirées par la faveur de nos boissons (+24,7 %), en particulier le champagne et le cognac. Plus généralement, le luxe apporte une contribution très positive à notre commerce extérieur, encore plus que d’habitude. Ainsi en a-t-il été de nos parfums, cosmétiques et produits d’entretien (+18,2 %), du cuir, des bagages et chaussures (+26,7 %), enfin des articles d’habillement (+20,4 %).

Si nos exportations de produits pharmaceutiques ont été étales, elles demeurent cependant à leur plus haut niveau historique. Sans rentrer dans tout le détail des postes, celui des produits chimiques de base s’est avéré très positif (+34 %), alors que celui des matériels de transport (+7,7 %) était un tantinet faiblard, après une lourde chute de 33,3 % en 2020. Tandis que la pénurie de composants frappait la production automobile, la reprise en dents de scie du trafic aérien freinait les initiatives des compagnies. C’est ainsi que, si l’automobile s’inscrivait malgré tout en reprise de 9,6 % (en-deçà de 12 % par rapport à 2019), les produits de la construction aéronautique et spatiale ne se relevaient que de 5,5 % en 2021, atteignant ainsi à peine plus de la moitié de leur niveau de 2019. Et quand l’aéronautique ne va pas, rien ne va pour limiter notre déficit commercial structurel. 

Des importations accrues par une absence d’offre interne pertinente

Rien de très réjouissant dans ces chiffres. Bien entendu, bon nombre d’entreprises, grands comptes mais aussi PME, tirent bien leur épingle du jeu, au-delà de ces chiffres macro-économiques assez sinistres. Mais ce qui est un peu inquiétant, c’est que l’on semble recroquevillé sur nos points forts, du luxe et du savoir-vivre à la française. En attendant, bien sûr, la reprise du secteur aéronautique. Ce manque de compétitivité dans les autres secteurs se retrouve dans la progression de nos importations. La reprise de notre consommation profite ainsi en premier lieu aux vendeurs étrangers, par suite d’un manque de compétitivité de nos produits ou en raison de l’absence d’une offre intéressante pour répondre à la demande.

Les analystes de la Direction des douanes et des impôts indirects relèvent ainsi que les volumes de produits manufacturés ont même augmenté plus nettement que la demande intérieure (respectivement +9,6 % et +6,6 %). Bémol cependant, on peut observer une évolution similaire dans d'autres pays européens.

Quoi qu'il en soit, du côté des importations, on ne peut que souligner le fort rebond des importations d’énergie (+75,2 % après -40,5 % en 2020).

En regardant plus en détail le tableau, on note la progression du poste des produits agroalimentaires (+10,3 % à 46,2 milliards d’euros), de celui de la pharmacie (+8,1 % à 32,7 milliards), avec les vaccins et autres produits anti-Covid, tandis que celui du textile-habillement se replie de 2,6 %, à la faveur de la baisse sensible du poste des importations de masques de protection (355 millions d’euros, après 5,9 milliards – une paille – en 2020).

Côté automobile et aéronautique, même constat que pour les exportations. Se fondant sur une étude davantage macro-économique, les experts notent que la croissance des importations est tirée en premier lieu par la consommation intermédiaire et l’investissement, ce qui est une donnée plutôt positive, en revanche.

Comparaison n’est pas raison, dit-on. Il est quand même bon de savoir où en sont nos voisins dans ce contexte. On va dire que le commerce extérieur de nos voisins du Sud a davantage repris que le nôtre et que celui de l’Allemagne, si l’on se réfère à l’UE à 27.  Par exemple, les exportations et importations espagnoles ont respectivement progressé de 20,6 % et 24,1 %, celles de l’Italie, de 18,4 % et de 24,1 % dans les mêmes termes. Pour l’Allemagne et la France, le redémarrage est plus poussif. Nos exportations ont progressé de 15,1 %, celles de l’Allemagne de 13,5 %, tandis que nos importations respectives se redressaient de 18,1 % et de 16,3 %.

Recul en Afrique, bonne performance avec les USA

Si l’on compare les données par rapport à 2019, année de référence plus significative, les importations 2021 dépassent leur niveau de 2,2 points en France, mais de 6,1 en Espagne, 7,6 en Allemagne et même 8,7 en Italie. Du côté du des exportations, nous sommes à 3,9 points en dessous du niveau de 2019, alors qu’à l’inverse, l’Allemagne (+2,5 points), l’Italie (+6,9 points) et surtout l’Espagne (+8,8 points) progressent.

Quelles sont les zones géographiques où nous tirons le mieux notre épingle du jeu dans ce contexte ? En termes de soldes, ce qui compte en termes d’analyse macro-économique. Notons d’abord que, sur notre terrain de jeu privilégié, l’Union européenne, nous buvons la tasse avec 56,7 milliards d’euros de déficit en 2021, après une certaine stabilité les années précédentes, autour des 45 milliards d’euros en négatif.

Parmi les pays tiers, toujours une belle performance avec le Royaume-Uni, tant vilipendé par les dirigeants de l’UE pendant la passe du Brexit. L’excédent est toutefois en baisse régulière, atteignant en 2021 7,6 milliards d’euros (-2,2 milliards par rapport à 2020), en raison d’un tassement relatif de nos ventes et du coût supplémentaire de nos importations d’énergie. L’Amérique au sens large nous est aussi profitable, dégageant un excédent de 3,6 milliards d'euros, porté pour les deux tiers par les USA. Côté Asie, on pousse toujours le bouchon un peu plus profondément avec 47 milliards de déficit, dont 34,6 pour la Chine et Hong Kong, même si notre solde avec la Corée du Sud a subi également un important solde négatif supplémentaire, en l’occurrence de 1,7 milliard d’euros, par rapport à 2020.

Pour remettre les choses en perspective, il faut détailler les soldes, en les relativisant. Ainsi notre solde positif avec le Royaume-Uni résulte de la différence entre des ventes de 29,2 milliards d’euros et 21,6 d’achats. Celui – négatif – avec la Chine et Hong Kong, met en balance 64,4 milliards d’achats et 29,8 de ventes pour un montant donc élevé. Nous exportons en Allemagne, premier partenaire commercial, pour 68,6 milliards d’euros, contre 81,4 d’achats.

Nos résultats dans les autres grandes régions géographiques mondiales sont en berne.

En Afrique où nous renouons avec une mauvaise passe, la vive reprise de nos importations à 25,6 milliards d’euros pousse notre solde dans le rouge, alors que nos exportations vers ce continent porteur de la dynamique émergente de demain, ne progresse que mollement, à 23,5 milliards d’euros. Ce qui aboutit à un solde négatif de 2,1 milliards. Et pourtant, les pouvoirs publics ont mis l’accent sur cette destination.

Quant au Proche et Moyen-Orient, notre solde reste négatif, mais s’améliore à -3,5 milliards d’euros, en dépit de la hausse des cours du pétrole.

Notons que, puisqu’on parle beaucoup de la Russie en ce moment, notre solde avec les pays des tsars s’est aggravé de 2,7 milliards d’euros. La hausse du prix du gaz n’y est pas pour rien, bien entendu.