Le budget parcs automobiles est souvent le premier ou le deuxième poste de dépenses d’une entreprise. Il est à ce titre scruté de très près par les gestionnaires. Au-delà de cet aspect purement financier, il sous-tend des problématiques sociales d’importance. Le véhicule de fonction compte pour séduire les candidats, fidéliser ensuite les collaborateurs… Est-ce que les nouvelles générations l’entendent différemment ?
La notion d’usage a-t-elle gagné du terrain ? La poussée de l’électrification connaît-elle des limites ? Le crédit mobilité est-il une solution ? Toutes questions que nous avons abordées lors de notre table ronde annuelle que nous avons organisée au Novotel Paris Vaugirard Montparnasse le 23 avril dernier.
Location mixte : une solution en recul
Dans l’optique de rationaliser l’utilisation des véhicules, en fonction des tâches assignées, une autre idée avait émergé il y a quelques années également, celle de combiner l’attribution d’un véhicule approprié à la circulation urbaine, plus petit et possiblement électrique, à un autre, plus confortable, pour les vacances. Il ne semble pas que cette option ait fait florès. « Dès le départ, les collaborateurs concernés étaient réticents, se souvient Patrick Martinoli, car ils étaient très réservés vis-à-vis des véhicules électriques. »
Cette location « flexible » attire encore moins aujourd’hui. Pauline Brun-Messa remarque ainsi que l’offre « switch » créée dans cet esprit par Movivolt n’a séduit qu’une seule personne dans le cadre d’un parc, rappelons-le, de 1000 véhicules. Pourquoi ? Thibaut Macé pointe l’augmentation considérable de l’autonomie des véhicules électriques et leur montée en gamme et en taille. Dès lors, pourquoi en changer pour les vacances puisqu’on peut parcourir jusqu’à 400 à 500 km, sans recharge et alors que, comme l’observe Frédéric Michard, le maillage des bornes est à cet égard plus rassurant.
Autour d’Alain Gazo, directeur de la rédaction de notre magazine, des spécialistes du parc automobile et de la mobilité.
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Une certaine confusion fiscale
Quoi qu’il en soit, le gestionnaire, au-delà de la question de la rationalisation de son parc, fait face, sur un rythme à peu près tri-annuel, à la nécessité de changer ses véhicules. Ce n’est pas simple d’y voir clair, car la réglementation, en général d’origine européenne, et la fiscalité française, bougent sans arrêt. Un cassetête que ce millefeuille fiscal et législatif, regrette François Larher. Les pouvoirs publics veulent verdir les flottes avec en perspective l’objectif du « zéro thermique », à échéance 2035. Cette limite sera-t-elle respectée ? Nos invités en doutent un peu, mais reconnaissent qu’il faut l’avoir en ligne de mire. A plus court terme, les décideurs d’entreprises ont, chaque fin d’année, l’oeil rivé sur la fiscalité, dont les contraintes ou les avantages qu’elle porte influent sur leur car policy. Les surprises sont désormais plutôt mauvaises que bonnes actuellement, en raison des difficultés budgétaires de l’Etat. En 2024, le bonus a été ainsi supprimé pour les VP électriques et réduit de 1000 euros pour les VU du même type. Cette mauvaise surprise pour la vigueur du marché du véhicule électrique a été doublée d’une autre, à savoir l’entrée en vigueur tardive de la mesure au 13 février, une fois les car policy mises en place, remarque Thibaut Macé. Tout cela, note François Larher, donne du souffle aux hybrides. Si les bonus fondent comme neige au soleil, les « sanctions » tendent à s’accroître. Ainsi, signale Pauline Brun-Messa, une amende de 5 000 euros par véhicule au-delà du seuil serait en cours d’étude pour le non-accomplissement des obligations de la loi LOM. Pour le moment, elle est peu respectée, signale-telle, précisément parce qu’il n’y a pas de sanction. Rappelons que la loi LOM oblige à la présence dans les flottes de plus de 100 véhicules d’un contingent d’au moins 20 % d’électriques. Plus généralement, Pauline Brun-Messa estime que le gouvernement hésite à prendre des mesures trop coercitives, dans la crainte d’un retour de la contestation sociale.
Le bâton est aussi utilisé parallèlement pour dissuader la possession de véhicules rejetant trop de CO2. On est exonéré de TUV (Taxe d’Utilisation des Véhicules) au-dessous de 100 g, ce qui favorise les hybrides et les électriques. Le problème, c’est que les mesures prises s’empilent, et que les règlementations sont parfois contradictoires.
Les normes relatives à la décarbonation, à la pollution, mais aussi à la sécurité, imposent aux constructeurs des investissements considérables, note Thibaut Macé. Et surtout peutêtre, elles obligent à produire des véhicules plus lourds. Et là, patatras, un malus taxe leur poids, au-delà de 1,6 tonne désormais, signale François Larher, au lieu de 1,8 tonne précédemment. De plus, le poids des véhicules a un impact sur les consommables, en particulier les pneumatiques _ jusqu’à +30 % d’usure pour eux, selon Frédéric Michard.
Cerner le TCO… réel
L’hybride est considéré actuellement comme une transition vers le pur électrique. Même si ce dernier représente moins d’immatriculations de nos jours, sa part devrait monter assez rapidement dans les prochaines années. Deux problèmes freinaient son développement il y a encore quelques années. Tout d’abord, celui de l’autonomie – une centaine de kilomètres en moyenne, aujourd’hui souvent 400-500 km en norme WLTP. C’est un saut considérable. Et puis la recharge. De ce point de vue, bonne nouvelle aussi, le nombre de points de recharge progresse rapidement. Frédéric Michard évoque désormais près de 120 000 points de recharge en France, contre 70 000 il y a un an. TotalEnergies en opère d’ailleurs près de 22 000, dont 1 500 bornes haute puissance (HPC) permettant une recharge en vingt minutes. Le problème, c’est que le nombre de véhicules électriques progresse rapidement, d’où la perspective de voir des queues aux stations dans un proche avenir, puisque ce sera plus long que de faire « le plein », même si Patrick Martinoli propose là encore une meilleure information de l’utilisateur, à savoir qu’il peut recharger assez vite à 80 %.
Alors que la notion de charge utile est cruciale dans le choix d’un VU, la place prise par la batterie peut limiter. Cependant, le nouveau Master E-Tech représente une offre attractive, avec à la fois une autonomie appréciable _ jusqu’à 460 km aux normes WLTP, et une charge utile satisfaisante, illustre Thibaut Macé. Le thermique n’est pas pour autant abandonné par Renault, en VU mais aussi en VP, Renault qui a choisi de proposer une large palette de motorisations, exception faite toutefois du diesel. Le diesel résiste encore, dans les VU essentiellement, et suscite encore de l’appétence puisque François Larher informe qu’il n’a jamais eu autant de demandes de VO récentes dans cette motorisation.
Des moyens de paiement en évolution
Quel que soit le carburant, nous devons le payer et régler aussi les dépenses en mobilité alternative ou complémentaire. De quelle manière ? A travers des cartes bancaires, ou privatives, matérialisées ou lisibles depuis son smartphone ou son iPhone. TotalEnergies est leader depuis longtemps des cartes privatives en France, avec sa carte Fleet (anciennement GR) en vigueur depuis soixante-cinq ans. Cette carte offre désormais l’accès à plus de 130 000 points de recharge électrique en Europe, dont près de 120 000 en France. Dans un contexte de mobilité diversifiée, TotalEnergies a créé la carte Mobility Corporate, multiénergies, multiservices et multimodale, avec laquelle on peut notamment régler les dépenses d’énergie, les transports, les hôtels, les restaurants.
Frédéric Michard rapporte de nombreuses demandes de clients impliqués dans le crédit mobilité et qui souhaitent bien entendu choisir des univers ciblés, ainsi que des plafonds appropriés aux utilisateurs. La carte C2A est paramétrée également en fonction des desideratas des clients, quant au plafond décidé, aux produits ciblés, par exemple en cantonnant le paiement de « carburant » à la seule électricité. Tout cela est donc paramétré à l’avance, mais le fleet manager peut modifier le curseur pour autoriser une transaction a priori interdite, en fonction d’un besoin urgent. L’écosystème de ces modes de règlement est en constante évolution, souligne Frédéric Michard. D’ores et déjà, on peut se charger directement depuis l’application dans son smartphone ou son iPhone. Gilles d’Huiteau évoque de son côté la possibilité prochaine de régler l’électricité aux bornes de recharge avec une carte bancaire, ce qui sera plus simple lorsque l’on passe les frontières, sachant que les cartes Mobility Corporate et C2A s’appuient sur le réseau MasterCard.