La jurisprudence de la Chambre sociale se rapproche chaque fois davantage de celle de la Chambre criminelle en matière d’admission de preuves.
Nous avons commenté à plusieurs reprises l’application de cette orientation dans des affaires où le seul moyen pour les salariés de démontrer le bien-fondé de leurs demandes était d’utiliser des preuves obtenues d’une manière a priori illicite.
Dans un arrêt du 19 mars dernier, commenté dans La Semaine Sociale Lamy du 24/03, il s’agit cette fois d’un employeur qui bénéficie si l’on peut dire de ces accommodements (C. Cass. 19/03/2025). Dans cette affaire, un salarié souhaitait obtenir la condamnation de son employeur à raison d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Manifestement, la décision de l’entreprise n’était pas dépourvue de raisons, car le salarié en question était un sacré lascar. Cependant, l’employeur s’était appuyé sur des témoignages anonymes car les personnes concernées craignaient des représailles ! La Cour d’appel de Chambéry n’entend pas ces arguments. Elle se réfère à l’article 6 §1 de la CESDHL et des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail pour écarter ces documents des débats, car leur production serait contraire « au principe du contradictoire et au droit à un procès équitable ».
Les hauts magistrats ne voient pas les choses de la même manière, et cassent l’arrêt d’appel. « Le droit à la divulgation de preuves pertinentes n’est pas absolu, en présence d’intérêts concurrents […] ». Il faut le mettre en balance avec les droits du justiciable. Cela se situe dans la droite ligne d’arrêts précédents relatifs par exemple à des contentieux portant sur une prétendue discrimination salariale, qui avait conduit le plaignant à produire des fiches de paye d’autres salariés sans accord des parties concernées. La Cour de cassation avait mis en balance cette violation d’éléments confidentiels avec la nécessité pour la partie demanderesse de faire valoir son bon droit.
Vincent Gardy